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Autres Perspectives
13 avril 2009

Dérisoire et pernicieux Ersatz face à la quête de sens

Des éléments, partie intégrante et motrice de notre mode de « développement » finissent par apparaître comme faisant fatalement partie intégrante de notre quotidien. Nous avons abordé précédemment le monde du paraître et le glissement vers l’idôlatrie. D’autres éléments nous infantilisent, inhibent notre conscience à une heure où il y a urgence d'une clairvoyance engageante et d'une profonde remise en question qui puisse ouvrir à d’autres perspectives… Le paradoxe de l'infantilisation devant l'urgence (3) Du livre, extraits du chapitre 3 - partie 1

 

Le détournement religieux au profit de l’argent… L’Ersatz dérisoire et pernicieux face à la quête de sens.jpg_NissaneNote1

 

 

 

Le système libéral sur ces principes de maximisation du plaisir et d’éducation au mimétisme pratique, dans un environnement sécularisé, le détournement systématique des codes religieux et vide la vie de son sens. Le consommateur doit répondre au diktat de la beauté, de la force, de la vitalité, et de la jeunesse.... ces impératifs sonnent aux oreilles (ou à l’inconscient) des homo-économicus comme un slogan : « soyez parfaits ».

 

Courant avril 1998, un message publicitaire d’une marque d’hypermarché français était introduit par ce slogan : « Paroles de la vie ». Entre « Parole de Vie » et « Parole de la vie », il n’y a qu’un pas. Semble-t-il, cette réalité est désormais inscrite dans la normalité. Le modèle de vie proposé est présenté comme « vrai ».

 

abondanceprofitez_vieIl faut avoir été dans des grandes villes comme celle de Madras en Inde, avoir observé ces enfants ou ces vieillards poser des bouquets de fleurs et de l’encens sur ces petits autels situés à chaque bout de rue, puis être revenu en occident (bien que la question soit universelle et concerne l'humanité entière) et avoir remis pied dans un magasin de grande distribution, avoir à nouveau observé, cette fois le ballet des caddies et la ronde des consommateurs autour des têtes de gondole, et leur précipitation vers les caisses ou les stands d’animation pour penser à ce transfert sans hésitation et se demander : « que sommes nous devenus? ».

 

girbaud_cene_a_tribute_to_women_siteEmmanuel Souchier et Yves Jeanneret, du groupe d’analyse des pratiques de communication de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications  voient, pour leur part, la démarche des consommateurs auprès des distributeurs de billets comme une démarche de culte [1]. Les distributeurs de billets accréditent l’idée de l’argent facile. Ces auteurs indiquent comment ces appareils sont de redoutables auxiliaires de l’idéologie dominante : une mutation qui a valeur symbolique et rituelle.

 

 

distributeur_billetsCette symbolique s’inscrit dans le mythe d’une égalité sociale absolue face à l’argent : « la machine est bénéfique, elle donne à tous, tout le temps et partout. En cela elle est divine et relève de la manne céleste. On perçoit la transaction comme un don ».

 

 

 

Le distributeur, instrument de l’idéologie dominante est un moyen efficace pour effacer la prégnance mercantile du discours de la publicité ; ne pas voir la pauvreté. Ce qui est développé ici pour les distributeurs est transférable à d’autres composantes du système libéral. Tels les discours gouvernementaux si éloignés des réalités  : " tous les Français propriétaires » ou "Aides d'état (prêt à taux zéro)  pour des maisons écologiques"…

 

circuits_hypersNous pouvons par ailleurs associer à la grande distribution d'idée d'un espace offrant abondance "égalitaire" (produits accessible à tous) et fonction protectrice et rassurante, proche des familles et "des anniversaires" ; déplacements [2], éclairages, couleurs, espace, communication ; au sein des temples de la distribution, tout est pensé, calculé, d’après des stratégies commerciales qui excluent toute liberté.

 

Une certaine idée du bonheur et de la liberté, frein à la croissance humaine

 

pub_libertePuisque elles animent l’Homme au plus profond de son intériorité, liberté et bonheur sont les valeurs les plus vendues ; elles peuvent, par leur force, constituer le moteur de la consommation.

 

 

 

partagez_avec_vous_memeLe développement découle de cette conviction que la liberté et le bonheur ne doivent leur existence que de la jouissance. Une jouissance, certes éphémère mais sans cesse renouvelable. Partant de cette hypothèse, toute expérience novatrice apportant un plaisir nouveau est source de progrès. A contrario, tout ce qui enfreindrait la jouissance immédiate et l’expérience novatrice, est un frein à l’évolution et à la croissance humaine.

 

 

 

Paradoxe que ce libéralisme qui prône l’anarchisme (se détacher des règles, des dogmes, des traditions...) en aliénant l’Homme.

 

 

 

La liberté et le bonheur passent donc selon le schéma libéral par : 1/ L’accumulation de l’avoir : l’acte de consommation est un acte de destruction (immédiat ou progressif). Le fruit de cette destruction est la jouissance. 2/ L’accumulation des expériences nouvelles : elle passe par la propension à débattre de sujets à polémique, la possibilité de briser les tabous, la possibilité d’être le premier à réaliser l’expérience (qu’elle ait du sens ou non).

 

Publicité : raffinement du mensonge par les mécanismes de l’illusion et de la manipulation

 

* L’outil privilégié du capitalisme est la publicité ; la publicité est une machinerie de la frustration. Ce sujet est central car :

- Il prend une place considérable dans notre vie.

- Il met en péril le respect de la vie.

- Il touche au coeur de l’Homme et de sa capacité (ou non) à prendre un chemin de  croissance.

- Il passe souvent inaperçu tant il est banalisé et admis.

 

* L’être est un être de désir. L’exaltation de ce désir peut donc être un appel à vivre et à aimer la vie. En ce sens, la publicité qui travaille sur l’image et le symbole  peut être belle, artistique, esthétique, vivante, créatrice. Elle l’est parfois. La manipulation de l’image, du son, de la lumière, du mouvement a quelque chose de merveilleux.

 

Il faut cependant peu de perspicacité pour savoir que  ce phénomène publicitaire est d’autant plus trompeur qu’il se sert du merveilleux pour mieux voiler, et ses moyens, et sa finalité. Lorsqu’on parle de mensonge, on pense le plus facilement et le plus souvent au mensonge  détectable sans difficulté . Ce mensonge là n’est pas le plus dangereux. Il ne l’est pas car il permet une position claire par rapport à la conscience. Il devient plus pernicieux lorsqu’il n’apparaît pas franchement.

 

biocarburantTel ce spot publicitaire d'un véhicule dans les bois, entouré d’animaux, en parfaite harmonie avec son milieu... Plus récemment, le biocarburant présenté comme une solution écologique alors qu’il favorisera les monocultures et la surexploitation, la pression à la hausse sur les denrées agricoles.

 

 

 

Combien de publicités comportent des messages suggestifs et mensongers, entretenant l’illusion? C’est en ce sens, parce que la publicité entretient l’illusion et a pour terreau le mensonge, qu’elle touche le coeur de l’Homme.

 

* La publicité est devenue tant naturelle qu’on ne la remarque plus. Elle a acquis sa légitimité a tel point qu’elle en devient inquisitrice et agressive ; tels ces slogans sur des affiches grand format : « ne quittez pas cette affiche des yeux » ou encore : « vous pouvez résister ! ».

 

* Pour aller plus loin dans l’analyse du raffinement du mensonge.

 

®François Brune, auteur du Bonheur conforme, essai sur la normalisation  publicitaire[3] n’hésite pas à parler d’une insidieuse machine à propagande. De quelle propagande s’agit-il ? Celle de l’idéologie dominante. Quelle idéologie ? Celle dont nous parlions, qui consiste à insinuer que le bonheur se constitue d’une somme de plaisirs immédiats à programmer du matin jusqu’au soir. Le but de l’existence : « croquer dans la vie »... philosophie épicurienne ; puisque la vie n’a pas de sens, autant tout prendre au passage. François Brune voit dans La célébration du nouveau (n’est-il pas marqué sur les produits, comme gage de  qualité : « nouveau ! » ?), une disqualification du  passé.

 

®L’association de n’importe quel produit avec n’importe quelle image est possible et toute réalité peut être ainsi manipulée. Toute valeur peut-être ainsi récupérée puis réduite à des signes consommables, permettant ainsi la perversion même de l’idée de valeur. Une grande surface spécialisée dans le sport n’hésitera pas à créer un « parc de la forme » qui ne sera en fait qu’une surface sur les parkings, entourée de grillage, au sein de laquelle seront installés quelques équipements sportifs. Reprenant ainsi le concept de « parc » très en vogue en ce moment.

 

pub_mensongeLe raffinement du mensonge va donc de pair avec la confusion des idées. Celle-ci touchera, non seulement les valeurs de l’humain, mais sa définition même. La femme est instrumentalisée, et désormais, l’enfant [4]). bigmacbebe

 

 

 

® Enfin, la publicité est un opérateur de déstructuration mentale : elle suscite l’adhésion-réflexe par le moyen du rythme chaotique et retarde, en particulier chez les jeunes la lente édification de la raison critique. A noter que de nombreux enseignants se plaignent du déficit latent qu’ils constatent chez les jeunes, dans leur capacité à décrypter l’information et en établir une analyse et une critique, ce qui ne fait que renforcer l’efficacité redoutable des stratégies publicitaires.

 

Ces caractéristiques : confusion des idées et déstructuration dépassent de loin le champ publicitaire et touchent l’ensemble du phénomène médiatique ; mainmise médiatique et marketing, et pression sans cesse croissante sur la sphère privée...

 


 

[1] Le Monde diplomatique  manière de voir  Hors série - 03/97 -  Article de Emmanüel Souchier et Yves Jeanneret - p 23.[2] Des élèves d’écoles commerciales ont travaillé sur des projets de puces électroniques sur les caddies en vue d’analyser les déplacements des consommateurs.[3] Le Monde diplomatique manière de voir - mars 1997 - Article de Francois Brune p 58.[4] Voir annexe : annonce d’emploi Bouygues-Télécom.

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