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Autres Perspectives
5 mars 2009

Les faux débats qui nous occupent (2)

La croissance économique  Extrait du livre écrit en 1999 - Annexes chapitre 3 - Partie 1

Pour résoudre leurs problèmes, nos sociétés ont recours à un procédé qu'elles croient magique : la croissance ; consommons toujours plus et tout ira bien. Albert Jacquart

theoriesCombien d’énergie a déjà été engouffrée dans cette question de la croissance économique ! Combien de théoriciens, combien de chercheurs ! Quels instruments sont nécessaires ?Quelles politiques ? J’ai toujours été étonné à l’université d’observer combien le recul faisait défaut pour accompagner ces dilemmes de combinaisons de variables d’ajustement budgétaires ou monétaires, qui entendaient résoudre les problèmes de panne de croissance, de chômage et de société. Quelle dérision ! Comme si une réflexion bien plus globale n’était pas nécessaire !

 

Et quel aveuglement aussi : on ne cherche pas à sortir du cercle vicieux de la compétition mais à reporter à plus tard « l’apparition inéluctable et définitive des contradictions ». Faut-il considérer la compétition comme inhérente à la nature humaine et la proposer comme modèle inéluctable de régulation ? Cette compétition est-elle sans limites ? La société de l’information est-elle la réponse à ces contradictions ?

Malgré l’enrichissement de la réflexion de ces dernières années, ni l’extension de la pauvreté, ni l’accroissement du chômage dans de nouvelles proportions, ne suffisent à décentrer l’attention de cette fameuse croissance. Le chômage est nié (on continue d’entretenir l’illusion qu’il diminuera progressivement) ou certains discours cherchent à lui donner une légitimité.

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1) La croissance reste la recette miracle attendue pour éclairer l’avenir. Aller vers de meilleures perspectives reviendrait à retrouver un taux de croissance satisfaisant. La mesure du progrès se résumerait dans ces chiffres en pourcentage, peu importe ce qu’ils signifieraient.

2) La croissance est devenue une mesure du risque, par rapport à son contraire : la déflation. Afin d’être prêts à un renversement complet de valeur, pouvons nous imaginer un avenir où une ouverture serait envisagée en terme de diminution volontaire de croissance (au sens où nous l’entendons habituellement et selon les modes d’évaluation actuels) ?

... Quelques mots pour nous y faire réfléchir :« C’est un retournement complet de nos objectifs qui s’impose ».[1]« La raréfaction progressive de l'espace vital alliée à l'avidité des égoïsmes en tous genres ne permet pas d'autre issue raisonnable que la conversion à une morale de l'amour et du partage fraternel.Un vice de fond marque la civilisation occidentale : son mode de vie ne peut être communiqué à l'ensemble des hommes, les ressources de la planète n'y peuvent suffire.Les idées autour desquelles la civilisation s'est structurée sont donc déjà périmées».[2]

3)Sans même parler de progrès, pouvons nous être certains que la croissance, compte tenu des coûts qu’elle comporte, existe réellement ? Le mécanisme comptable de mesure de la croissance participe au dessèchement et à la déshumanisation de l’Homme.

* Partons d’un fait divers : en mai 1999, le maire d’une commune française propose d’instituer une taxe sur les prospectus publicitaires car il constate que ces distributionsaugmentent le coût des ordures ménagères.

> Sont comptabilisés et contribuent à augmenter la croissance : les dégâts des actes délictueux, les budgets des services d’accompagnement de personnes exclues, les dépenses maladies y compris celles dues aux nuisances, les bombardements au Kosovo, les destructions massives des écosystèmes...

> Ne sont pas comptabilisés en contrepartie : les coûts de la désertification, de nombreux coûts sociaux dus à l’exclusion, des pollutions diverses, d’une manière générale, les coûts qui nous sont imputables mais reportés à plus tard (ex : traitement hâtif des déchets nucléaires.... nous n’avons pas fini d’entendre parler de l’usine de retraitement de la Hague)...

* L’analyse économique est dominée par la mesure monétaire. Ses objectifs qu’elle se donne lui font négliger les coûts humains non mesurables. [4]

* D’où vient cette paresse comptable ?

comp_titionDe la base même de l’idéologie libérale : l’homo oeconomicus classe ses choix en fonction de ses préférences. Celles-ci, dans ce modèle, ne sont pas dictées par des conditions morales mais par des pulsions (nous avons développé cette idée dans le chapitre 2 - cf.prochains billets). Ceci veut dire que la mesure de la croissance ne tient pas compte du choix qui a fondé le comportement : que l’alternative soit altruiste ou égoïste importe peu. Ce qui est supposé pour les individus par effet mécanique de contamination se répand sur les structures.

 

4) Le passage de la croissance à un développement durable qui intègre le droit des générations futures et le concept de « propriété de l’espèce » [5], nenous permettra pas de faire l’économie du « passage obligé » dont nous avons précédemment parlé

Repenser nos vies est nécessaire pour l’espèce, mais d’abord,

aussipour mieux vivre, aller vers un plus être.

 Comprenons bien : il ne s’agit pas de « tourner le dos » à la croissance mais de s’interroger sur son contenu et sur les transformations et maturations humaines qu’une croissance durable demande et accompagne.

A quelle maturation humaine appelle une meilleure organisation planétaire

en vue d’une croissance durable possible et partagée ?

L’extension de notre mode de consommation à toute la planète est-elle possible ?

(Extrait de l’article de Alternatives économiques - Marie claude Jacquot - Janvier 1995)

Pour être aujourd'hui supportable, la croissance n'est pas soutenable, au sens d'un processus durable et généralisable. Nous pratiquons donc collectivement la politique de l'autruche : le mode de consommation des pays les plus riches n'est pas généralisable, mais, puisque les limites ne sont pas encore atteintes, chaque pays fait comme si elles n'existaient pas.

La planète semble ainsi prisonnière d'une alternative dont les deux termes sont tout autant détestables.

Premier scénario : seule une part réduite de la population mondiale bénéficie d'un niveau de vie élevé, tandis qu'une majorité conserve des modes de consommation économes, en ressources.C'est le scénario des Trente glorieuses.Ecologiquement supportable durant un temps, il est porteur de vives tensions sociales et politiques : migrations et oppositions Nord-Sud.

Deuxième scénario : une part grandissante de la population du monde accède à la croissance économique, provoquant une pression croissante sur les ressources. C'est le scénario actuel.Ecologiquement insupportable, il est tout autant porteur de tensions sociales et politiques : rivalités économiques et conflits pour le contrôle des ressources non renouvelables.

La sortie positive d'une telle alternative suppose de changer le " contenu " de la croissance. (...) Cela ne s'obtiendra pas en suivant les seules indications données par le marché. Les ressources les plus précieuses à la vie sur cette planète sont en effet hors marché.


[1] Le souci des pauvres - Albert Jacquart - Edition Calmann Lévy - p 119

[2] Demain quelle société? - Philippe Bouhours - 1978

[3] Le coût du désencombrement n’est rien par rapport aux consommations d’encre et de matières que demande la production des supports publicitaires papier : en avril 1992, j'ai effectué un intérim dans une imprimerie modèle, neuve, très fonctionnelle, équipée des meilleurs machines d'Europe.L’une d’elles pouvait imprimer d'un coup en quatre couleurs. A elle seule elle avalait chaque semaine 12 tonnes de papier (je ne me souviens plus de la quantité d'eau utilisée mais c'était impressionnant). L'entreprise travaille essentiellement pour le commerce de grande distribution. Sur le côté du hall, et donnant directement sur la sortie, se trouvait une immense benne (environ 4 m de hauteur sur 8 m de long et 4m de large) dans laquelle tous les déchets étaient jetés.C'est en faisant ce travail que j'ai réalisé quelle quantité, d'eau, d'encre, d'énergie et de papier, peuvent-être englouties pour ce marketing systématisé qui fait notre quotidien. Rien que pour les chutes et les loupés, il y en avait environ 1,5 tonne par semaine ; des paquets de centaines de papier affiches de 3m sur 3 jetés par dizaines, si lourds qu'il fallait se mettre à deux pour les porter.Tout était mélangé : des bidons de diluants et de colle, des morceaux de bois, des palettes, le plastique, des paquets de centaines d'autocollants.Le plus impressionnant pour moi,n'était pas cette quantité que j'avais dû jeter, maisde penser que ce gâchis se perpétrait chaque jour, depuis longtemps, à l'abri des regards et des consciences. En voyant les affiches publicitaires dans la rue, je n'avais pas évalué la quantité de papier que cela pouvait représenter... Pour arriver à faire basculer ces masses de papier par dessus, il fallait utiliser un élévateur, parfois il fallait grimper sur l'élévateur pour réussir. Reste les milliers de tonnes de papier qui envahissent les murs de nos villes pour des durées de quelques jours et destinés ensuite à une destruction définitive.

[4] Demain quelle société? - Philippe Bouhours - 1978

... Peut-être faut-il rajouter : les coûts matériels et environnementaux non négligeables.

[5] Selon les termes d’Albert Jacquart.

Toute production supplémentaire de prospectus publicitaire vient augmenter la production nationale et contribue à la croissance. Le coûtde désencombrement qu’il provoque, et incombe à la municipalité et aux contribuables, y contribue également [3].

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